L'homme de la rue Mackenzie

Elle avait envie de sonner à la porte de l'homme de la rue Mackenzie
Celui qu'elle avait embourbé dans son histoire de collection de pots de yogourt
Elle s'en voulait encore, elle aurait voulu tout lui raconter: les airs de fausse errance, son amour des mots, les voix de Boucherville enterrées le jeudi matin.
Un jour elle ira sonner, elle lui demandera son nom et lui dira qu'elle veut bien dire oui à sa proposition de bénévolat.
Elle lui racontera son amour pour les signes, les coincidences, les envolées soudaines, les inconnus mystères. 
Elle aimerait qu'il l'invite chez lui, que sa femme lui fasse des petits gâteaux, tandis qu'elle inventaire du regard la collection de porcelaines, les tableaux de famille, la couleur des tapis, l'odeur imprégnée par l'utilisation d'un certain détergent à lessive.
Elle s'imaginerait son enfance, son amour des grands-parents, des petites attentions, des souvenirs précieux sans importance. Elle se souviendrait de leur regard, de leur façon de comprendre le monde, de la faiblesse qu'on s'amuse à leur attribuer. Surtout, elle se souviendrait de son arrière-grand-mère qui, le soir des funérailles de son mari, lui raconta après quelques rasades de vodka sa grande histoire d'amour. 
Elle se souviendrait aussi qu'un an plus tard, à sa mort, des lettres de son amant avait été retrouvées dans son appartement.


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